Introduction
Lorsque
j’ai ouvert les yeux ce matin, j’ai pensé que c’était une fois de trop. Ma vie
n’avait depuis longtemps plus de sens et les rituels auxquels j’étais habitués
chaque matin avaient franchi la barre de l’acceptable si bien que je cherchais
un moyen de les contourner. Mon réveil sonnait et je constatais qu’il avait du
bouger pendant la nuit puisqu’il ne captait plus de station et que le seul
bruit que j’entendais était un grésillement qui me mettais hors de moi.
Je me suis levée pour
l’éteindre et mon premier réflexe a été comme chaque matin d’allumer une
cigarette en me posant sur mon canapé. Je luttais pour rester dans le vrai
monde et pour ne pas me jeter dans ma vie virtuelle, seule échappatoire qu’il
me restait encore. Je réfléchissais à si ça en faisait un concept romantique
puisqu’il avait réussi à s’emparer de moi et peu de choses y parvenaient
encore. Au fur et à mesure que ma cigarette se consumait je l’enviais presque
d’arriver à son bout et de s’éteindre éminemment.
Nous venions de franchir une
nouvelle fois le cap du 31 décembre et nous en étions au début d’une nouvelle
année. J’avais comme d’habitude vidé une quantité importante de bouteilles avec
des amis, chose qui quand j’y réfléchissais ne rimait à rien, mais puisqu’à mes
yeux rien ne rimait à rien, autant se jeter tête première dans les rituels de
sales jeunes de mon espèce. C’était donc le temps des résolutions à deux sous
que personne ne tiendrait mais qu’on énonçait juste pour faire bien devant les
autres alors que le taux d’alcool qui circulait dans notre sang ne nous
permettait déjà plus de réfléchir.
J’étais encore en vacances
mais ce matin j’avais voulu mettre le réveil pour savourer une matinée de
comatage et pour me réhabituer à être expulsée de mes rêves avant leur fin. Je
comptais déjà les jours qui me séparaient de la reprise des cours et de la
course au diplôme. Ces jours où je serai condamnée à faire comme tout le monde,
me fondre dans une masse d’étudiants dont le seul but est de se barrer au plus
vite de cet endroit pour travailler, fonder une famille et crever en paix. J’ai
toujours compris que certains avaient droit à une jeunesse et d’autres à une
retraite et je m’étais toujours dis que ça ne rimait à rien. Pourtant je fais
exactement pareil. Cette pensée me rend si faible et si triste que je suis
obligée d’allumer une deuxième clope alors que la première est en train de
fumer au fond du cendrier plein qui tellement rouillé par l’usure ne parvient
plus se fermer correctement. J’ai
allumé la télé histoire de me sentir moins seule mais franchement il n’y avait
pas grand chose pour un vendredi matin de vacances. Des vieux feuilletons où on
saurait enfin si Rebecca a trompé Brandon… et dire que ce genre d’émission
connaît beaucoup de succès, je me suis mise à sourire de la connerie des gens
et puis finalement j’ai laissé le feuilleton. Toujours en pyjama je méditais à
ce qui pourrait faire que demain serait meilleur mais cette question fait
partie de celles qui ne connaissent pas de réponse.
Je me demandais comment j’en étais arrivée là.
Franchement est ce que la chance avait un rapport ou était un trop plein de
conscience dont on m’avait fait cadeau. Comment les gens font-ils pour ne pas
avoir d’obsession et de crises existentielles. Comment faire pour se contenter
de vivre. Comment, pourquoi, étrangement beaucoup de mes phrases commençaient
par ces mots.
Aujourd’hui j’en suis à
attendre. Si j’applique mon théorème jusqu’au bout j’en suis à attendre la mort.
Et si j’applique mon théorème jusqu’au bout du bout qui n’existe pas j’en suis
à attendre de comprendre l’infini. Je crois que je peux courir éternellement
dans un couloir sombre sans fenêtres sans portes et sans sons. Cette pensée me
frustre. Ne plus connaître d’émotions. Plutôt crever, bah non puisque c’est ça
crever, qui un jour connaîtra ce putain de mystère de merde qui fait que je
n’en dors plus. On pourra bien lui donner tous les prix Nobel de la Terre mais
je pense qu’il n’en fait pas partie ou carrément n’existe pas, bref la boucle
est bouclée et je tourne en rond. Je soupire et ferme les yeux.
Ich hoffe so stark, die
Traurigkeit nicht mehr zu kennen.